L’art de la découpe à table dans question pour un champion sur France 3 !
26 mercredi Juin 2019
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04 vendredi Jan 2019
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inCe qui est souvent le plus intéressant, en histoire, c’est la récurrence des évènements au travers des époques. Ainsi, l’historien, par sa connaissance du passé, peut aider à la compréhension du présent. Jacques Legoff le grand médiéviste explique ce phénomène très bien, il dit : « L’histoire est nécessaire à l’identité et à la vie des sociétés. Priver les sociétés, les groupes , les individus de leur passé, de leur histoire, ou leur imposer une falsification de ce passé est une chose grave ».
Hors le manque d’écrits sérieux est criant dans la profession des métiers du service, ce qui amène des aberrations, voire des réécritures de l’histoire complètement fantaisistes. Citons l’exemple des crêpes suzette qui n’ont pas été créés par Antoine Charpentier, du service à la russe n’a pas été créé par le Prince Kourakine (1), ou du steak tartare qui n’a pas été créé par les tartares chevauchant sur leurs chevaux avec de la viande sous leur selle pour l’attendrir ! informations qui sont pourtant véhiculées par de nombreux manuels récents.
Il est donc intéressant d’essayer de comprendre les idées, les apports, des maîtres d’hôtel des époques passées, de nous en inspirer dans le contexte actuel. Une de ces récurrences historiques apparaît très clairement en cette fin d’année 2018 et nous amène à cette idée :
Pourquoi ? Parce que le grand service à table participe à la reconnaissance par les citoyens d’un ordre établi, immuable dans le temps. Il représente le symbole de la stabilité et de l’excellence à la française, et c’est important en terme d’image par exemple lorsque le Président de la République reçoit un hôte étranger, un ambassadeur. C’est pour cela que la table et le service à l’Élysée participe autant que la cuisine à une représentation de la nation française, et cela a toujours été le cas.
Voici quelques exemples où le service à table a été particulièrement théâtralisé lors de crises politiques majeures (2).
Après la bataille d’Azincourt (1415), les chevaliers ayant disparu, la noblesse française doit se réorganiser. Beaucoup de vieilles familles sont décimées et il faut rapidement créer une nouvelle caste de nobles, principalement au service du roi. L’éducation et la culture des élites guerrières doit se développer pour redonner à la cour un semblant de faste perdu. Le roi octroie des charges (comme celle d’écuyer tranchant) et on assiste dans le royaume à une entreprise d’élévation et d’instruction du noble dans tous les domaines, dans le but de rétablir une crédibilité à cette nouvelle cour. La table et le service sont alors mis en scène pour sauver les apparences, donner l’illusion que le royaume est stable, comme dans la miniature des Très riches heures du Duc de Berry conservée au château de Chantilly.
En 1528, le royaume est de nouveau en grande difficulté, à la limite de la scission entre catholiques et protestants, et on imagine alors l’organisation de la cour comme une représentation du royaume tel qu’il devrait être. Le rôle du roi est de mettre en scène la souveraineté qu’il incarne. Le monarque doit être au-dessus ou à coté, en tout cas à part de la cour. C’est l’apparition de l’expression « sa majesté ». On parle de lui à la troisième personne. On n’a pas le droit de lui adresser la parole. Une volonté marque fortement la cour de cette époque : donner une image de perfection de la tenue du monarque afin qu’elle représente une France idéalisée. En temps de guerre, de guerre de religions, l’entourage du roi doit avoir l’image de la paix qui reviendra puisque le souverain est « beau ». L’association du masculin et du féminin dans les tenues du roi représentent pour certains historiens la dualité entre les protestants et les catholiques, représentés par l’apparence du roi. Il incarne l’équilibre dont l’état a besoin et ses repas sont scénarisés en ce sens. L’étiquette stricte fait son apparition, le roi est présenté en majesté. Ces pratiques de cour qui voient leur apogée sous Louis XIV ont une influence sur la table : on pose des barrières autour de la table royale , ce qui donne une place toute particulière au maître d’hôtel et à l’écuyer tranchant, les seuls à pouvoir franchir cette barrière physique autant que symbolique.
Un exemple récent est l’organisation de l’événement préparatoire au G7 à Biarritz. Le lycée hôtelier de Biarritz a eu le privilège d’être choisi pour effectuer le service par Monsieur l’intendant de l’Élysée, Monsieur Stanislas Verpoort, au nom de l’école hôtelière de Biarritz j’ai eu la chance d’être choisi pour diriger, sous la direction de Monsieur l’intendant, l’organisation un peu complexe de de déjeuner, situé à deux endroits distincts, un déjeuner républicain pour 20 personnes d’une part, et un petit déjeuner, apéritif et déjeuner pour 300 personnes d’autre part.
Après avoir proposé une organisation particulière, tenant compte des règles de protocole et d’étiquette que j’avais recherché, j’ai proposé à mes étudiants de B.T.S. d’utiliser un cordeau pour réaliser la mise en place, composé d’une simple baguette permettant d’aligner parfaitement les différents éléments d’art de la table.
Mais pendant le service, je me suis aperçu que le bâton pouvait avoir une autre fonction, car une des caractéristiques importantes du service à la table de Monsieur le Ministre des affaires étrangères, Jean Yves Le Drian était de respecter un silence total et une discrétion absolue.
Dans le passé j’avais déjà créé un ensemble de codes permettant de limiter au maximum les paroles entre les membres du personnel, en utilisant le langage des signes. J’ai réutilisé ces codes. En voici 2 exemples :
Exemple : « Il manque du pain à la personne que vous avez en charge »
Visionnez le geste en cliquant ici
Exemple : « Faites les miettes devant la personne que vous avez en charge ».
Visionnez le geste en cliquant ici
Monsieur Verpoort étant satisfait de notre service, j’ai pensé proposer à mon équipe un bâton plus élaboré. Citoyen de la ville de Boucau, proche de Biarritz, centre historique de la métallurgie et des forges de l’Adour, j’ai naturellement cherché un appui par un spécialiste de la chaudronnerie afin d’allier plusieurs métaux dans cet objet : le bronze, le cuivre et le laiton. J’ai eu la chance de recevoir un appui favorable par Monsieur Florian Terron.
Le bâton de maître d’hôtel, ainsi forgé, représentait en lui même toute une symbolique, celle de l’artisanat de la forge actuel, et de son lien fort avec son passé, un hommage à tous les ouvriers basques de la rive droite de l’Adour et de leur ouvrage.
Il reprend les codes des anciens bâtons de commandement de maître d’hôtel du passé (3), mais en modifie la destination, et en augmente les fonctions (il permet d’effectuer des mesures en plus de diriger le service), et en change l’utilisation (il est destiné à rendre le service plus discret, alors que sous la royauté il était destiné à rendre le service spectaculaire voire obséquieux).
Le bâton rassemble plusieurs fonctions. Il permet de centrer parfaitement les assiettes et les couverts, il permet de mesurer très précisément la distance entre deux assiettes, il permet de mesurer l’écart entre le bord de l’assiette et le couteau, ou la fourchette, et une fois assemblé il permet de parfaitement aligner les éléments d’un côté et de l’autre côté de la table, etc…
Gil Galasso
Un des Meilleurs Ouvriers de France 2003
Chevalier des arts et des lettres
Docteur en histoire contemporaine
lenouveauservice@hotmail.fr
(1) Lire Histoire de l’art de la découpe, des maîtres d’hôtel et du service à table, tome 2 (cliquer ici)
(2) Lire Histoire de l’art de la découpe, des maîtres d’hôtel et du service à table, tome 1 (cliquer ici)
(3) Nous possédons des descriptions de bâtons de commandement de maîtres d’hôtel grâce aux mémoires du LUYNES (1695-1758).
Voici quelques extraits :
(Avril 1737) « On découvre que dans ce cortège étaient placés, selon un ordre précis, plusieurs maîtres d’hôtel et que certains d’entre eux portaient un bâton distinct, insigne de leur fonction : « Immédiatement avant Madame marchait M. de Chalmazel, avec son bâton et une serviette ; devant lui M. Fournier, maître d’hôtel ordinaire, avec un bâton moins grand que celui de M. de Chalmazel, qui est à trois pans et terminé par une couronne fermée. Devant M. Fournier trois maîtres d’hôtel de quartier, avec le bouquet et la serviette. Toutes les quinze dames qui portaient les plats avaient chacune une serviette autour du corps. Devant les maîtres d’hôtel marchait M. de Dreux, grand-maître des cérémonies, avec un bâton à pomme et canne d’ivoire ; devant lui M. Desgranges, maître des cérémonies, avec un bâton de même ; devant lui, l’aide des cérémonies, avec un bâton de même. »
(Septembre 1751) : « Il y eut le grand couvert à souper dans l’antichambre de la Reine, comme à l’ordinaire ; M. de Livry et M. de Chalmazel, premiers maîtres d’hôtel du Roi et de la Reine, y étaient avec leur bâton. Ils le prennent quand ils veulent, et c’est l’usage de le prendre les jours de cérémonie et de grande fête. Dans l’usage ordinaire, le maître d’hôtel de quartier, qui a le bâton, va à la bouche faire faire devant lui l’essai des viandes ; le premier maître d’hôtel n’est pas dispensé de cette fonction lorsqu’il prend le bâton. Lorsque le premier maître d’hôtel du Roi prend le bâton, celui de la Reine est obligé de le prendre ; M. de Livry peut le faire avertir, mais ordinairement le premier maître d’hôtel de la Reine sait quand il doit le prendre et n’a pas besoin d’avertissement. »
Chers toutes et tous,
Les quatre tomes qui ont composé la grande histoire de l’art de la découpe, des origines à 2018 sont maintenant en ligne. Vous pouvez les consulter en cliquant sur les liens ci-dessous :
N’hésitez pas à demander à ce que je vous envoie un coffret dans lequel vous pouvez placer les tomes, cliquez ici.
TOME 1 Des origines au règne de Louis XV, cliquez ici
TOME 2 Du règne de Louis XV à la première guerre mondiale, cliquez ici
TOME 3 De la première guerre mondiale aux années 1960, cliquez ici
TOME 4 Des années 1960 à nos jours, cliquez ici
20 mardi Mar 2018
20 mardi Mar 2018
20 mardi Mar 2018
09 mardi Jan 2018
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16 samedi Déc 2017
04 lundi Sep 2017
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20 dimanche Août 2017
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inUn débat actuel est particulièrement intéressant car il concerne directement les métiers du service en salle : l’Union des Métiers de l’Industrie l’Hôtelière (UMIH) évoque en ce mois d’août 2017, une baisse des pourboires laissés dans les restaurants au personnel de service en salle.
On trouve les origines du pourboire en Angleterre (XVIIIeme), la petite histoire nous dit qu’un aubergiste aurait placé un pichet à l’entrée de son établissement avec l’inscription To Insure Promptness (pour garantir la rapidité-du service). Les clients les plus pressés devenaient alors prioritaires. L’expression serait entré dans les mœurs sous forme de « Pour boire à ma santé ! », mais en fait elle permettait d’augmenter un niveau de salaires très bas.
Il est certain que le pourboire, qui faisait partie intégrante du salaire d’un salarié de service en salle, ne fait plus partie des préoccupations de plus en plus de clients, en particulier au moment du passage à l’Euro, un ou deux euros représentant une somme plus importante qu’un, deux ou cinq francs, pièces que tout le monde possédait dans son porte monnaie et qui représentait moins de valeur.
La pièce d’un euro a été aussi assimilée psychologiquement à une pièce de 10 francs, similaire, ce qui semblait trop pour beaucoup de clients.
Même certaines brasseries parisiennes, dont le fonctionnement au pourcentage permettait d’assurer des salaires intéressants, qui compensaient les nombreuses heures effectuées, et pas toujours rémunérées, remettent ce système en cause, ce qui entraine un débat immédiat de grands professionnels du service, qui sont aussitôt remplacés par du personnel moins compétent, et moins cher.
Est ce un calcul judicieux de la part des directions ?
Il y a une pénurie de personnel en salle, les restaurateurs le constatent, et même dans les établissements d’enseignement hôtelier il y a une demande beaucoup trop disproportionnée pour les diplômes de cuisine que pour ceux de service, constat très dangereux pour le futur proche de l’industrie hôtelière.
Côté salaires, un serveur était rémunéré dans les années 80 et 90 entre 1,5 et 2 fois plus qu’actuellement, selon le type d’entreprise.
Lors de la création et de la signature de la Grande Charte du Service à la Française, ce 23 juin dernier, nous avions engagé un débat avec l’ UMIH, représenté par Monsieur Franck Chaumes, vice président UMIH 33. Nous le remercions encore pour son soutien et sa participation. Monsieur Chaumes nous a proposé de continuer le débat lors du salon Expotel 2017.
En juillet 1933 est créée la loi Godard, notamment pour compenser la baisse des pourboires. La petite histoire nous rapporte qu’une femme de chambre de l’hôtel Meurice à Paris, Marinette, frustrée de comparer le prix d’une nuitée dans le palace à son salaire, porte réclamation auprès du député Justin Godard, qui se penche sur le dossier.
Justin Godard était une personne engagée. Il refusa quelques années après le vote de cette loi de signer le soutien au maréchal Pétain, au péril de sa vie. Il devint plus tard un grand résistant, et sauva beaucoup de personnes de religion juive pendant la guerre. Il fonda aussi la ligue contre le cancer.
Cette loi oblige le restaurateur (et l’hôtelier), à faire bénéficier aux membres du personnel en contact avec la clientèle d’un pourcentage de service sur les additions. Si elle a l’avantage de dynamiser la motivation du personnel de salle, cette loi exclut le personnel de cuisine, le personnel administratif, et les catégories de personnels qui n’ont pas été prévues lors de sa rédaction[1]. Elle engendre une certaine jalousie de la part des équipes de cuisine en particulier. Même si ce n’est jamais exprimé, un esprit de revanche sera présent dans l’esprit des Chefs des années 1970. Ces derniers ont mal subi les effets de la loi, en place depuis une vingtaine d’années. Ils reprennent le dessus sur les équipes de salle, c’est ce que l’on nomme à l’époque « la guerre cuisine-salle », et exigent que le pourcentage de service soit répartit entre tous.
En 1936, la journée de travail fixée par la convention collective est de 10 heures, la semaine de 60 heures. Elle passe à 10 h par jour de présence en 1937 (8 heures de travail et 2 heures de repas), avec un repos ininterrompu de 10 heures.
Il faut savoir que la loi Godard est toujours d’actualité dans les entreprises hôtelières et pourrait être réhabilitée. Elle ne concerne toujours que le personnel en contact avec la clientèle, elle présente l’avantage d’augmenter le salaire du personnel par le biais des 15 pourcent ajoutées à la note, mais l’inconvénient de faire une différence mesurable avec le personnel de direction (directeur de salle, maître d’hôtel) rémunérés au fixe, qui se trouvent souvent être rémunérés moins que les serveurs qui sont leur subordonnées.
J’ai dirigé deux établissements avec un service au pourcentage. Le Café Royal de l’hôtel Sofitel Miami, et le restaurant gastronomique Old Thameside Inn, aujourd’hui devenu un pub de la City de Londres. Le système fonctionnait bien.
Un des désavantage est que le directeur de salle doit s’efforcer de faire tourner son personnel car certaines tables sont plus intéressantes que d’autres. Et certains employés plus expérimentés peuvent revendiquer le service des meilleurs tables.
Les conditions fiscales du versement d’un salaire au pourcentage peuvent être trouvées ici
Gil Galasso
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[1] Par exemple les membres de la réception d’un hôtel sont considérés comme du personnel administratif.